Prix des terrains : quelle limite ? quelle évolution ?

jackpot pour propriétaires terrainsPendant longtemps le prix au m2 des terrains en zone à bâtir n’a cessé de connaître une ascension régulière, à faire envie à tout alpiniste ou cycliste-grimpeur. Le problème c’est qu’à force de croître, ces prix en deviennent parfois indécents. Payer à un propriétaire d’une parcelle quelques dizaines de francs au mètre carré, cela peut se justifier. Mais quand il s’agit de centaines, voire de milliers de francs, où se situe vraiment la limite du raisonnable ?

En 2016, si vous souhaitez construire une villa individuelle au Mont-sur-Lausanne, il vous faudra un budget supérieur à CHF 1.5 million. A ce prix là on pourrait s’imaginer construire un château ou une immense villa avec piscine, mais la réalité est toute autre. En effet, la moitié de votre budget sera destinée à aller dans les poches du propriétaire du terrain. Il faut savoir qu’au Mont-sur-Lausanne, comme dans d’autres communes, une surface minimum de parcelle est parfois nécessaire pour construire pour une villa individuelle; en l’occurrence 1’000 m2 dans la zone villas de ce village. Multipliez 1’000 x 750.- par m2, et vous arrivez à un terrain coûtant CHF 750’000.-. Soit 60 mois de salaire d’un couple de la classe moyenne, tout cela pour une surface de terre, certes indispensable pour bâtir quelque chose. A ce prix là, le but n’est pas de construire dessus une cabane. Comptez donc au moins CHF 750’000.- pour une villa d’environ 100 m2 au sol sur trois niveaux : sous-sol, rez-de-chaussée et étage.

Pourtant, c’est le plus souvent sur le prix de la villa que portent les discussions suite à un devis pour un projet clé en main. Alors que si l’on met en balance l’achat d’un terrain et la construction d’une maison, on se rend compte que d’un côté il y a une personne, un propriétaire d’une parcelle, et de l’autre des dizaines d’autres qui vont travailler pendant des mois pour arriver à un résultat final : employés de l’entreprise de construction, architectes, terrassiers, maçons ou ouvriers de l’usine de fabrication de la villa, chauffagistes, sanitaires, électriciens, peintres, carreleurs, cuisinistes, etc. Considéré sous cet angle, les prix des terrains deviennent difficilement justifiables. Toutefois, ils n’ont cessé d’augmenter dans beaucoup d’endroits : entre 7% et 20% par année en Valais ou dans le canton de Fribourg, durant la dernière décennie. Comment cela s’explique-t-il ?

Les raisons d’une hausse régulière
terrain-vendreEn Suisse, le pourcentage de propriétaires, environ 40%, est le plus faible d’Europe. En sachant que plus de 80% des Suisses préféreraient être propriétaires que locataires, la demande potentielle pour l’achat est énorme. Cette demande reste freinée par les difficiles conditions d’accès à la propriété : pourcentage nécessaire de fonds propres, dont la part du 2ème pilier ne peut désormais plus excéder la moitié, et charge financière supportable pour les ménages.Mais la baisse des taux d’intérêts permet de maintenir cette demande à un certain niveau. Et comme la Suisse n’est pas un pays plat avec des zones à bâtir très étendues, l’offre reste souvent restreinte, ce qui explique cette tendance des prix au mètre carré.

En Valais il y a 6 ou 7 ans, vous pouviez généralement acheter votre parcelle située en plaine entre CHF 100.- et CHF 250.- le m2. Actuellement, il faudra le plus souvent compter entre CHF 250.- et CHF 400.- le m2. Les prix ayant doublé ou triplé dans de nombreux villages : Ardon, Aproz, Conthey, Leytron, Saxon, Vionnaz, etc.
Cette tendance s’est également observée dans le canton de Fribourg : Remaufens, Semsales, Riaz, Bulle, etc.; ou dans certaines régions du canton de Vaud, par exemple à 20-30 km de Lausanne.

Limite atteinte dans certaines communes : stagnation des prix, voire baisse
Là où la valeur des terrains avait atteinte des sommets, notamment sur La Côte ou dans les communes limitrophes de Lausanne, on constate désormais une stagnation, voire une baisse du prix au mètre carré. Acheter un terrain en 2016 à Jouxtens-Mézery ou à Epalinges, revient au même prix que si vous l’aviez fait en 2014. Et si vous allez à Saint-Prex, vous pourrez même prétendre à dépenser moins puisque de CHF 1’400.- à CHF 1’500.- par m2, on est descendu à CHF 900.- à CHF 1’200.- par m2.

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L’offre reste faible, mais les banques mettent le holà. Ces dernières sont de plus en plus vigilantes à la part que représente le terrain dans le coût global du projet. Et il devient de plus en plus fréquent qu’elles demandent à leurs clients désirant construire, d’apporter plus de fonds propres si elles estiment que la valeur d’une parcelle est surévaluée ou trop importante en pourcentage. Et ceci pour compenser le risque en cas de chute du marché.
Certaines familles n’ont également plus envie d’accepter de tels prix, et préfèrent renoncer ou mettre leur projet entre parenthèse plutôt que de payer quelque chose qu’ils n’estiment pas raisonnable.

Quelle évolution pour le marché ?
Deux principaux facteurs risquent d’influer directement sur l’évolution des prix des terrains.
Tout d’abord les taux hypothécaires : combien de temps vont-ils rester aussi bas ? S’ils augmentent, la demande chutera car cela viendra s’ajouter aux conditions déjà difficiles pour obtenir un financement.

Mais d’un autre côté, l’offre va quant à elle diminuer en raison des effets de la LAT, qui a été acceptée le 3 mars 2013 par le peuple Suisse. Dans certains cantons, comme le Valais, qui font les choses progressivement et ne se précipitent pas, il faudra attendre quelques années avant que l’offre baisse, puisque des terrains seront dézonnés et ne seront plus considérés comme constructibles. Elle pourrait même augmenter dans l’intervalle, et c’est ce que l’on observe dans certaines régions, notamment celles en montagne, puisque de nombreux propriétaires sont tentés de mettre leurs parcelles sur le marché avant qu’elles ne valent plus rien ou presque.
Dans le canton de Vaud en revanche, le rouleau compresseur est déjà en marche, et depuis le 18 février 2016 le Service du développement territorial scrute chaque mise à l’enquête oubliée dans la FAO et enchaîne les oppositions envers les projets de constructions. Dans leur collimateur : les parcelles situées en zone constructible, mais jouxtant une zone agricole. Le plus souvent excentrées, mais pas toujours. En effet, certains cas de projets bloqués, bien que situés très proche de la rue principale traversant le village, ont été recensés.
En plus de risquer un exode rural et une lente mort de certains villages, cela aura pour conséquence de réduire l’offre des terrains disponibles, et donc d’augmenter les prix des terrains qui passeront à travers les gouttes.
S’il était certes utile de mettre un frein à un aménagement du territoire parfois chaotique, et à une extension des zones à bâtir, est-ce vraiment sain de rendre inconstructibles des terrains actuellement situés à bâtir et de mettre de nombreuses familles dans des situations très problématiques, financièrement mais aussi moralement; ces dernières s’étant engagées dans des projets de construction qui sont désormais bloqués par le canton. Un petit tour sur Geoplanet permet de se rendre compte que certains terrains sont placés par le canton en zone réservée dans des villages qui ne disposent pas de grandes zones à bâtir, et qui sont entourés de champs et de forêts.
Dans ces conditions, difficile de prévoir l’évolution du prix des terrains dans les prochaines années. Sans la LAT, on aurait probablement assisté à une stagnation des prix. Mais là, rien n’est moins sûr…

Erwan Pennarun